Visite de l’installation des œuvres de Paul Béliveau à Deschambault-Grondines, dans le cadre de l’exposition « Dur comme d’la roche » qui se déroule cet été, jusqu’au 2 octobre prochain.
C’est au Moulin de la Chevrotière que débute la forte expérience de rencontrer les œuvres interpellantes de l’artiste. Tout contre le mur de la fondation du moulin, cinq toiles mettent en scène un lévrier, dont quatre surgissent littéralement du mur, sous des arches de pierre. Cette série portant le titre de Nightwatch fait référence à la Ronde de nuit de Rembrandt, dont s’est déjà inspiré Paul Béliveau. La sensation qui se dégage en voyant ces lévriers sortis de la nuit en est une de frayeur. Cette émotion, portée par ces lévriers en pleine course, nous atteint. Qu’est-ce donc qui se cache dans la nuit de notre monde qui les fait fuir ainsi?
Ce saisissement nous prépare à la découverte de la série Drones, exposée quelques kilomètres plus loin, au Vieux-Presbytère de Deschambault. Ce sont quatorze images peintes à partir de photos, illustrant des destructions en Syrie, incrustées dans des tondi* de granit de Deschambault. Numérotée comme les stations d’un chemin de croix, à deux pas d’une église, cette série évoquent le supplice des populations. Le vernis craquelé qui scelle chacune de ces images donne le sentiment que notre réalité éclate. Comment se fait-il que notre réalité soit aux antipodes de celle que vivent ces gens là-bas, alors que nous sommes sur la même planète? De ces œuvres se dégage une certaine beauté. Elle magnifie ce drame humain, et avec lui, tous les drames humains. Ces œuvres agissent comme une catharsis qui nous libère de l’insoutenable.

Les drones, purement mécaniques, nous présentent un point de vue sur les choses qui sont tout à l’opposé du trouble qu’éveillent ces lévriers apocalyptiques. Ils sont pourtant les deux pendants d’un dispositif puissant qui nous guide à la rencontre de notre monde que nous avons de la difficulté à appréhender, à lui donner un sens. Par le point de vue qu’il propose, Paul Béliveau nous ouvre une fenêtre par laquelle nous pouvons regarder l’humanité sans être étouffé par ses drames.
*Tondi : pluriel de tondo, vient de rotondo, toile en forme de rond.
Texte de Ronald Young